L'été meurtrier 1949

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jeudi 16 août 2007

« Si l'on peut déplorer (en) cette année (2007) un été plutôt gris et humide, celui de 1949 avait été semble-t-il particulièrement sec et torride, propice à un dramatique et gigantesque feu de forêt. Celui-ci aurait sans doute été facilité par un malencontreux concours de circonstances, dû à cette période d'après-guerre, une forêt mal entretenue, aucun corps de sapeurs-pompiers structuré et professionnel sur place, l'apparition subite d'une tornade en sens inverse.

Parti le 19 août du côté de Saucats, situé au début de la forêt des Landes à un dizaine de kilomètres de là, c'est probablement une cigarette mal éteinte dans une cabane de résinier qui aurait causé de ce qu'on appelle encore aujourd'hui « le feu du siècle » avec 50.000 hectares et 125 bâtiments détruits (des fermes, des maisons et des scieries isolées le plus souvent), 82 morts dont 57 civils et 25 militaires du 33e régiment d'artillerie de Châtellerault venu en renfort. Au cours de la dizaine de jours qu'il durera, la journée du 20 août sera la plus tragique, suite à un coup de vent ayant d'un seul coup attisé violemment le contre-feu allumé au nord-ouest. »

(extrait de l’article de Sophie NEUPERT – journal SUD-OUEST)

Témoignage de Madame Jacqueline BROUSTEY, Gujanaise dont le père avait, pendant les « années folles », ouvert un dancing sur la plage de Mestras et inventé le vocable « la Barbotière » :

« 20 août 1949, ce jour-là est ancré dans ma mémoire ...

Depuis le 28 juillet les départs de feu se succédaient sans relâche. L'été était très sec et la pinède s'enflammait de partout. Le tocsin sonnait, mon père prenait son vélo et, comme beaucoup de Gujanais, se rendait au point de rassemblement de la mairie. De là un camion amenait les hommes au plus près des foyers. Peu de matériel, chacun prenait une branche de pin et avançait en ligne en tapant le sol pour éteindre les flammes.

Ce 20 août 1949, vers midi, une camionnette sillonne les rues de Gujan. A l'aide d'un porte-voix un homme penché hors de la portière crie : « Le feu est dans les rues de Mios, venez tous nous aider ». Un peu plus tard la radio diffuse des nouvelles alarmantes : « Les incendies se propagent vers Le Barp, Croix d'Hins et Cestas ». A ces nouvelles, mon amie de Canéjan, en vacances chez moi décide de rentrer sur Bordeaux par le train de 15 heures. Je l'accompagne.

A partir de Lamothe la fumée nous enveloppe et le convoi doit stopper en gare de Marcheprime. Vers 16 ou 17 heures, je ne sais plus, cinq ou six jeunes militaires sortent de la fumée, couverts de suie, les vêtements déchirés, hébétés, assoiffés, à bout de souffle. Ils s'approchent de nous et nous disent avoir été pris à revers par un contre-feu, avoir couru devant les flammes. « On ne sait pas où sont les autres » ajoutent-ils.

Le feu continue son avance et bientôt franchit la voie ferrée à l'arrière du train. « Embarquez vite, crient les employés, des bouteilles d'oxygène sont entreposées en bout de quai. Tout peut sauter ! ».

Le convoi repart à toute petite allure dans une fumée de plus en plus épaisse qui envahit le wagon et nous fait tousser et pleurer. De chaque côté de la voie les pins s'embrasent rapidement, en torche, le feu sautant de l'un à l'autre et l'abandonnant tout noir pendant que les "pignes" enflammées volent sur le train, contre les vitres et sur la voie qui commence à fumer. Nous sommes seules dans le wagon, deux filles de vingt ans complètement paniquées.

Nous arrivons enfin à Bordeaux. Le ciel est gris de plomb, le sol couvert de flammèches noires et de cendre, l'odeur de bois brûlé prend à la gorge. Le plus dur pour mon amie reste à venir. Son père échappa par miracle à une mort certaine. Il dut son salut au curé de Talence qui, alors qu'il était cerné par les flammes en tentant d'amener une tonne d'eau sur une charrette, l'a embarqué à bord de sa jeep. « Montez, a-t-il dit, et priez. Je crois que nous ne passerons pas ». Les cheveux et les vêtements brûlés, les yeux rougis par l'intense fumée, il regagna La House (Canéjan) où déjà on le comptait parmi les disparus.

Son jeune cousin eût moins de chance. Il compta parmi les 29 disparus de ce petit village qui ne dénombrait à l'époque que 409 habitants (l 'incendie a fait plus de victimes que les deux guerres) .

Les jeunes militaires avec lesquels nous avions bavardé quelques instants sur le quai de Marcheprime l'avaient échappé belle ! »

SL

Note personnelle qui donne une idée de la fournaise : « Les alliances des hommes mariés fondirent ». L’or fond à 1.064° ...


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